Le Code des sociétés et associations se trouve parmi les dossiers encore sur la table de la Chambre, alors que le gouvernement travaille en affaires courantes depuis mi-décembre 2018. Deux premiers volets sont déjà entrés en vigueur en mai et en novembre 2018, ouvrant les procédures d’insolvabilités aux ASBL et remplaçant la notion de commerçant par celle d’entreprise incluant désormais les ASBL, lesquelles ressortissent depuis lors du Tribunal des Entreprises (ex-Tribunal de Commerce). Par contre, le troisième volet est resté en suspens alors qu’il est le cœur d’une vaste reconfiguration du droit civil et commercial, notamment en ce qui concerne les activités marchandes et non-marchandes.
Le volet soumis au vote des parlementaires actuellement concerne l’instauration d’un nouveau Code des sociétés et associations, reprenant les dispositions de la Loi de 1921 sur les ASBL légèrement adaptées et agencées de manière à rentrer dans un Code de plus de 500 pages. Soucieux des conséquences de cette incorporation des ASBL, dont le fondement est la liberté d’association, dans un Code consacrant la liberté d’entreprendre dans un environnement commercial, la CESSoC, ConcertES, la FESEFA s’associent à d’autres fédérations dans une carte blanche destinée à attirer l’attention du grand public sur le danger que représente ce projet pour les corps intermédiaires dont font partie les associations. Lisez-là ci-dessous ou prenez-en connaissance à http://www.cessoc.be ou à http://www.ufenm.be
« Dans la confusion de l’actualité politique belge, un dossier important est passé très largement inaperçu par l’opinion publique : le projet de réforme du code des sociétés qui constitue en réalité, pour les Associations Sans But Lucratif (ASBL), un enterrement de première classe. Les conséquences de cet enterrement sont, potentiellement, nombreuses et importantes.
La principale nous paraît être l’aveu d’échec de notre société par rapport à une dimension pourtant essentielle de la démocratie, qui tient au rôle qu’y jouent les corps dits « intermédiaires » dont font partie les associations. Celles-ci constituent, en effet, des lieux essentiels d’apprentissage du vivre-ensemble et de la démocratie, qui comporte notamment trois aspects :
- Celui de la délibération, par laquelle un groupe s’organise et se concerte dans un cadre donné afin de poursuivre un objectif a priori désintéressé, qu’il soit qualifié d’intérêt général ou d’intérêt collectif ;
- Celui de la redevabilité, par laquelle ce groupe rend compte devant une instance plus large de la mission ou du mandat dont il a été chargé.
- Celui du service, de la prise en charge citoyenne de questions communes.
Lors de la dernière grande réforme de la loi sur les ASBL, en 2002, le monde associatif a déjà du ferrailler durement afin de préserver ces spécificités. Il avait même obtenu quelques avancées symboliques, dont l’obligation, pour une Assemblée générale, de se composer d’un nombre de personnes supérieur à celui du Conseil d’administration. C’était toutefois compter sans la volonté du Gouvernement belge de faire le choix de la facilité par rapport à l’évolution de la situation tant au niveau belge qu’international. Plutôt que de continuer à brandir l’étendard d’une loi exemplaire à maints égards, il a préféré baisser pavillon et sacrifier désormais l’ambition politique à un intérêt purement mercantile : faire de la Belgique un paradis commercial et y attirer le plus grand nombre possible de sociétés étrangères.
L’exposé des motifs du projet de code sur le droit des sociétés est, à cet égard, éloquent : « [Cette réforme en profondeur] s’impose si l’on souhaite encore faire du droit belge des sociétés un droit attractif qui soit compétitif sur le plan international par rapport au droit des autres pays membres de l’Union européenne ». Qu’une telle réforme soit nécessaire pour le droit des sociétés, on peut le comprendre. Mais ce qui pose problème est la relégation, dans le même mouvement, des ASBL à une simple « modalité » des sociétés commerciales, alors qu’il s’agit de réalités fondamentalement différentes. Le problème se pose d’ailleurs également pour les sociétés coopératives, les sociétés à finalité sociale et les entreprises sociales.
On ne peut nier qu’une nouvelle modernisation du droit des ASBL soit nécessaire et ce, d’autant plus que bon nombre de ces dernières sont devenues des structures importantes, notamment dans le domaine de l’éducation et celui de la santé. Toutefois, un tel objectif pourrait aussi bien être atteint en continuant à incorporer dans la loi sur les ASBL, comme on l’a fait par le passé, un certain nombre de dispositions du code des sociétés, plutôt qu’en actant purement et simplement sa disparition. Ceci permettrait de réserver le caractère particulier des associations sans but lucratif et de leur subventionnement.
Le Gouvernement étant à présent en affaires courantes, c’est à la Chambre qu’il appartiendra de se prononcer sur ce dossier. Il reste encore une chance d’éviter de transformer les associations sans but lucratif en entreprises lucratives sans but ».
Bruxelles, le 31 janvier 2019
Jean-Pascal Labille, Secrétaire général de Solidaris
Ariane Estenne, Présidente du MOC
Etienne Michel, Directeur général du SeGEC
Philippe Andrianne, Président du Conseil supérieur des volontaires
Emmeline Orban, Secrétaire générale de la plateforme pour le volontariat
Sébastien Pereau, Secrétaire général de CONCERTES
Frédéric Possemiers, Directeur régional aux Mutualités chrétiennes
Alain Cheniaux, Président de la FCSD
Pierre Smiets, Directeur d’UNESSA
Stéphane Emmanuelidis, Président de l’EWETA
Pierre Malaise, Directeur de la CESSOC
Farah Ismaïli, Directrice de la FESEFA
Pascal Henry, Président de la FISSAAJ
Géraldine Maquet, Secrétaire générale de Jeunesse et Santé
Julien Bunckens, Secrétaire général d’ALTEO
Isabelle Gaspard, Directrice de la FIMS
Michel Dupont, Vice-Président de l’ANCE
Natacha Verstraeten, Présidente de la FILE
Eric Olbregts, Secrétaire général d’ENEO
Philippe Van Hoye, Président du GASMAES
Raymond Vandeuren, Administrateur-délégué de la FELSI
Siméon de Hey, Président de la FASS
Henri Rousseau, Président de la CODEF
Paul Fourny, Président du GAAJ
Isabelle Gillard, Directrice de la FPCEC
Olivier Leblanc, Administrateur-délégué de la FCJMP
Michel Coipel, Professeur en droit des sociétés
Michel Davagle, Professeur en gestion des ASBL
Patrick Debucquois, Secrétaire général de Caritas