Marc Bertrand, le médiateur de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Wallonie, a récemment rendu son rapport annuel pour l’exercice 2018. Il y relate les dysfonctionnements et lenteurs autour de l’équivalence des diplômes qui n’est pas sans impact sur l’écart important (un des plus élevé en Europe) entre le taux d’emploi des personnes nées en Belgique et celui des personnes issues de l’immigration (non-européennes).

L’équivalence des diplômes relève d’une décision administrative qui est délivrée sur base d’un examen approfondi de la valeur des études suivies à l’étranger. Elle nécessite la constitution d’un dossier qui répond à des conditions très exigeantes.  L’équivalence des diplômes conditionne l’accès à une série de formations, d’études, d’offres d’emploi. De ce fait, elle constitue un facteur indispensable d’insertion socio-professionnelle pour un grand nombre de personnes étrangères et d’origine étrangère.

En 2018, le Médiateur a instruit 194 dossiers dont 176 pour les équivalences de l’enseignement obligatoire et 18 dossiers pour les équivalences de l’enseignement non-obligatoire. Il y a eu une augmentation rapport à l’année 2017 qui met en évidence des lacunes persistantes en matière d’accessibilité du service, des délais de traitement, de turn-over au niveau du personnel. Par conséquent, dans ce nouveau rapport, le médiateur insiste sur des recommandations qui avaient déjà été pointées dans des rapports précédents, et surtout soulevées par le secteur associatif qui ne cesse de déplorer les défis auxquels sont confrontées les personnes issues de l’immigration dans leurs démarches d’insertion socio-professionnelle.

  1. Accessibilité

L’accessibilité reste un motif principal de saisine. Cette problématique ne cesse d’être pointée du doigt par les usagers (ligne téléphonique surchargée durant les périodes d’affluence, accueil sur place uniquement sur rendez-vous, délai d’attente trop important pour obtenir un rendez-vous, …)

Le traitement des dossiers et les délais pour traiter ceux-ci sont notamment liés à la taille du service, à la quantité et diversité des demandes qui lui parviennent (nombreux documents émanant de pays différents). Le Médiateur recommande à nouveau de renforcer et stabiliser le nombre d’agents spécialisés chargés d’analyser les parcours scolaires étrangers afin de permettre un traitement plus rapide, une expertise régulièrement actualisée des différents systèmes scolaires et le développement d’un réseau de correspondants étrangers.

  1. Complétude et les exigences du dossier

Ce sujet a fait l’objet de recommandations spécifiques dans plusieurs rapports. Ces recommandations visaient à permettre la complétude d’un dossier d’équivalence sans voir l’examen reporté à l’année suivante pour autant que la preuve de paiement soit présente dès l’introduction du dossier. En effet, si la forme requise n’est pas produite avant la date limite de dépôt, le dossier risque d’être reporté à la rentrée scolaire suivante ce qui n’est pas sans conséquence pour le demandeur.

Le Médiateur a sollicité à plusieurs reprises le service des équivalences afin de demander d’assouplir ses exigences et permettre au demandeur de compléter son dossier après la date du 15 juillet sans être pénalisé mais cette recommandation n’est que partiellement rencontrée. En effet, le Médiateur relève encore des incohérences de la part de l’administration qui refuse ou reporte des dossiers dont les documents ne correspondent pas à une certaine forme administrative, bien que le contenu nécessaire à l’examen de la demande soit présent.

Par ailleurs, les documents nécessaires à la constitution d’un dossier sont très nombreux et parfois impossibles à rassembler pour les personnes. Cette difficulté se double d’une rigidité incompréhensible de la part de l’administration sur des documents dont l’utilité reste questionnable. Le Ciré ASBL cite à ce sujet l’exemple d’un architecte Syrien qui malgré une expérience indéniable s’est vu refuser la reconnaissance de son diplôme parce qu’il n’était pas en mesure de fournir la maquette de son projet de fin d’études.

  1. Analyse du parcours scolaire

Le médiateur reçoit régulièrement des demandes concernant une contestation de l’avis ou de la décision sur base du parcours scolaire effectué à l’étranger. Le Médiateur recommande depuis 2010 d’augmenter le nombre d’agents spécialisés chargés d’analyser les parcours scolaires étrangers. En effet, l’examen du parcours scolaire,  indispensable pour délivrer un document d’équivalence, est effectué par des experts qui remettent un avis à l’issue d’une analyse étayée. C’est sur base de cet avis que la décision finale sera rendue.  Ces experts doivent mener un travail ardu puisqu’il s’agit de comparer des cursus effectués dans le monde entier à un cursus de la  Communauté.

Malheureusement, le secteur associatif observe souvent une sous-estimation du parcours scolaire effectué à l’étranger. Les possibilités offertes aux personnes par les décisions rendues sont restreintes et empêchent souvent la poursuite des études souhaitées, alors qu’il y avait accès dans le pays d’origine. Citons l’exemple d’une jeune fille venue rejoindre ses parents en Belgique après avoir obtenu son diplôme de fin de secondaire en Bolivie. Elle souhaitait entreprendre des études au sein de la faculté de psychologie. Son équivalence a été refusée et ne lui donnait accès qu’à des études de type court avec pour motif qu’il n’avait jamais été inscrite dans une université dans son pays. Par ailleurs, la plupart des diplômes (non-européens) liés à des professions intellectuelles (médecin, avocat, infirmier, etc.) sont pour ainsi dire exclus de toute reconnaissance. Citons encore une fois un exemple qui témoigne du surréalisme de l’administration belge : un ingénieur russe qui a effectué un cursus de 6 années dans une université réputée mondialement s’est vu refuser sa demande d’équivalence parce que le programme de son cursus ne contenait pas un travail de fin d’études.

  1. Coût de la procédure

Les frais liés à une procédure d’équivalence de diplôme s’élève en moyenne à 150€ (selon le diplôme à faire reconnaitre). A ces frais s’ajoutent également ceux liés à des traductions ou des copies certifiées conformes. Ces frais constituent un véritable obstacle et entraîne souvent le renoncement à l’introduction d’une procédure. Pourtant, en Communauté Flamande, cette procédure demeure gratuite pour un grand nombre de personnes dont les demandeurs d’emploi et les demandeurs d’asile.

En conclusion, force est de constater que malgré les recommandations réitérées par le médiateur au fil de ses rapports ainsi que par le secteur associatif, la reconnaissance officielle des diplômes étrangers dans la pratique reste un véritable parcours du combattant. Nous plaidons pour une réforme qui favoriserait un assouplissement des conditions et surtout des pratiques individualisées, cohérentes et équitables. En effet, les différents freins évoqués constituent toujours un véritable enjeu tant pour les personnes requérantes que pour la société.