L’adoption d’un nouveau budget est l’occasion pour un ministre de définir ses priorités. Nous avons suivi attentivement les déclarations du ministre-président et de la ministre Morreale devant le Parlement wallon pour vous faire part des priorités de l’année qui s’annonce…

Il peut déjà être constaté une augmentation globale des crédits gérés par la ministre Morreale de 182,796 millions d’euros en crédits d’engagements et de 198,322 millions d’euros en crédits de liquidation, le tout en tenant compte de l’indexation mécanique (83,9 millions d’euros) ou des transferts de budgets vers d’autres ministres (comme les allocations familiales).

I. Plan wallon de lutte contre la pauvreté

Un deuxième Plan transversal wallon de lutte contre la pauvreté 2020-2024 sera adopté en 2020 par le Gouvernement wallon avec un budget dédicacé. Il sera présidé et coordonné par le ministre-président. À l’occasion du budget initial 2020, une rubrique a été prévue pour le financer. Celle-ci est créditée d’un montant s’élevant à zéro euro, car, en l’état actuel des choses, le Gouvernement n’a pas encore élaboré ce plan. Le nouveau plan se basera sur l’évaluation du plan précédent et sera construit en concertation avec les acteurs de terrain et dans l’écoute structurée des personnes en situation de précarité. Ses lignes directrices seront le logement, l’emploi, la formation ainsi que la santé.

Logement

L’axe privilégié est celui de la rénovation de logements inoccupés et la démultiplication d’accès à un logement, notamment via les agences immobilières sociales (AIS). Une attention toute particulière sera accordée à la lutte contre le sans-abrisme. A cet égard, l’objectif est qu’une solution d’hébergement soit apportée à chaque personne sans-abri en concertation avec les autorités communales et les sept relais sociaux urbains reconnus.

Transition énergétique

Le Gouvernement veillera à ce que les personnes précarisées ne subissent pas d’effets négatifs dus à la transition énergétique ; celle-ci doit bénéficier à tous. L’accès à l’énergie est un droit essentiel ; à cet égard, le Gouvernement mènera une action pour réduire la précarité énergétique, afin d’éviter les coupures et afin de garantir la fourniture d’une quantité suffisante d’énergie à un prix acceptable.

Insertion socioprofessionnelle et formation

Insertion et formation seront renforcées. Le FOREm priorisera ses moyens vers le conseil, l’accompagnement et l’orientation des demandeurs d’emploi. Une approche analogue sera mise en œuvre au sein des CPAS, en concertation avec les acteurs de l’insertion socioprofessionnelle. Concrètement, au sein du FOREm, chaque demandeur d’emploi bénéficiera d’un service adapté à sa situation en vue de le mener à l’emploi. Le Gouvernement adoptera une stratégie particulière à l’attention des publics les plus fragilisés et éloignés du marché du travail.

Accès à la santé

Le Gouvernement veillera à l’accessibilité financière et géographique aux soins, notamment en soutenant le développement des maisons médicales et des pratiques multidisciplinaires de première ligne. L’agrément et le financement de nouvelles maisons médicales constituent la première priorité. Les dispositifs d’attractivité pour l’installation en zone de pénurie de métiers de première ligne seront améliorés en veillant à l’accessibilité financière des patients. Seront concernés les médecins généralistes, les dentistes et les infirmiers.

Autres axes

Le nouveau plan de lutte contre la pauvreté comportera d’autres actions sur des thématiques et publics cibles spécifiques, à savoir, entre autres :

  • la pauvreté des enfants et des familles monoparentales,
  • l’intégration des personnes étrangères, notamment par la poursuite de la mise en œuvre du parcours d’intégration,
  • attention particulière à la prévention du basculement dans la pauvreté,
  • l’automatisation des droits sera développée ainsi que l’accès aux droits simplifiés.

II. Emploi et formation

Christie Morreale indique que sa priorité au cours de la législature sera de mettre en place les leviers et dispositifs nécessaires pour permettre la création d’emplois et l’insertion sur le marché du travail des chercheurs d’emploi. Elle précise que ces emplois devront être de qualité et le plus durable possible.

Ayant la tutelle sur ce qui relève des politiques croisées en matière d’orientation et de formation tout au long de la vie, elle souhaite pouvoir dynamiser et soutenir :

  • une orientation professionnelle efficace, cohérente et efficiente;
  • l’augmentation générale du niveau de compétences techniques, professionnelles et sociales sur la base de référentiels communs;
  • la reconnaissance, la validation et la certification des compétences;
  • l’adéquation des compétences développées au travers d’une offre de formation et d’enseignement constamment actualisée avec les besoins des entreprises et l’anticipation de ces besoins de compétences afin d’assurer la création d’emplois, notamment par le biais d’une réforme offrant une plus grande lisibilité du paysage de la formation professionnelle et une réforme de l’alternance.

Dans ce dernier cadre, le groupe de travail opérationnel « politiques croisées » a pour priorités :

  • la finalisation de la mise en œuvre de l’accord de coopération sur la validation des compétences;
  • le certificat de compétence professionnelle;
  • le lancement d’une année 2020 de l’alternance;
  • la structuration du réseau des Cités des Métiers.

CISP

Il faut valoriser les formations d’insertion dans les CISP. Il est important de concentrer les moyens publics là où ils sont le plus nécessaires, il est donc important d’évaluer les formations qui sont données.

APE 

Mme la Ministre explique que sa volonté est de mener à bien la réforme des APE dans l’année à venir sur une base consensuelle la plus large possible, avec les partenaires sociaux et dans le respect des engagements de la DPR. Elle a déjà décidé de reconduire les autorisations jusqu’au 31 décembre 2021, le temps de finaliser la réforme. La priorité est de pérenniser l’emploi APE existant et non l’octroi de nouveaux postes APE, à l’exception des emplois prévus sur une base décrétale ou de convention effective.

FOREm – Formation

Une évaluation des dispositifs d’aides à la formation des travailleurs, tels le Crédit-adaptation, le Congé éducation payé (CEP), le Fonds de l’Expérience professionnelle ou les chèques-formation, sera menée en 2020 et pourrait conduire à une réforme des dispositifs ciblés. Le projet « coup de boost » du FOREm qui s’adresse aux NEET’s et qui consiste en une méthode d’accompagnement combinant animations collectives et entretiens individuels sera élargi à toutes les régions dès 2020.

Validation des compétences

La validation des compétences sera formalisée par une subvention au consortium de validation des compétences de 120 000 euros qui va servir concrètement aux ETA, aux IDESS, aux CISP. Un certificat de compétences professionnelles pour 10 nouveaux métiers sera mis en place et sera porteur à la fois des faits de notoriété mais aussi des faits de droit pour permettre notamment de pouvoir entrer dans la fonction publique, que ce soit la fonction publique régionale, Fédération Wallonie-Bruxelles ou pouvoirs locaux. Cela équivaut pour l’administration à un diplôme. Cinq nouveaux profils et 39 nouveaux centres de formation vont prochainement être agréés.

Aides à l’emploi tremplin pour publics précarisés

Les aides actuelles ne permettent pas de répondre à la problématique de l’insertion des publics les plus éloignés de l’emploi. Un nouveau dispositif d’aide devra répondre au principe de simplicité, d’efficacité, de lisibilité, et de cohérence avec les autres dispositifs existants, soit les principes qui ont guidé la réforme des aides en 2017. Il devra intégrer un volet d’accompagnement et autres formations en tenant compte des enseignements du dispositif PTP sur les facteurs des réussites des formations proposées aux travailleurs. Il s’inspirera également de l’accompagnement et de la formation mise en place pour les travailleurs, articles 60 et 61 de la loi, en soutien à leur contrat de travail. L’objectif du Gouvernement est de mettre en place ce dispositif en 2020 en une concertation avec les partenaires sociaux et les principaux acteurs concernés. Il est précisé que les premières rencontres démarreront dès le début de l’année 2020.

1 352 postes PTP continueront donc d’être subventionnées jusqu’à leurs termes pour un montant pris en charge par la Wallonie de 13,277 millions d’euros.

Titre-services

Le budget sera en augmentation de 6,62 millions d’euros, avec un triple objectif :

  • augmenter le taux d’emploi pour un public faiblement qualifié et essentiellement féminin;
  • diminuer le travail au noir et améliorer les conditions de travail et de vie des travailleurs;
  • contribuer à une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle pour les ménages bénéficiaires.

448,338 millions d’euros sont alloués pour le dispositif des titres-services, lequel compte 98% de femmes et a permis à 47 500 d’entre elles de décrocher un contrat de travail dans le secteur en 2018. Cependant, la réalité veut que le salaire de ces travailleuses soit inférieur au seuil de pauvreté et qu’elles travaillent non seulement dans des conditions de travail difficiles mais aussi majoritairement avec des contrats à temps partiel. La Région wallonne s’est positionnée en faveur d’une augmentation salariale et devrait intervenir auprès des entreprises bénéficiaires qu’elle subsidie afin qu’elles lèvent le blocage salarial.

Il est prioritaire de consolider le secteur d’activité des titres-services et de rendre le dispositif financièrement accessible. La valeur faciale du titre ne changera pas. Par ailleurs, l’optimisation de l’offre de formations proposée aux travailleurs titres-services est une priorité ressortie des concertations organisées avec le secteur.

Mme la Ministre souhaite voir augmenter le nombre d’heures minimales de travail et indique que le mi-temps minimum entrera en application au 1er janvier 2021. Elle est par ailleurs d’avis qu’il est nécessaire de travailler sur la formation des travailleurs en augmentant le nombre d’heures ou en faisant en sorte que cette formation soit utilisée et de qualité. En outre, elle tient à rappeler que des mesures sont prises pour éviter les abus sur les travailleurs. Elle ajoute que c’est la Région wallonne qui soutient le plus ce mécanisme puisque l’intervention pour l’entreprise est de 13,39 euros pour les titres-services achetés au prix de 10 euros par les utilisateurs qui consomment plus de 400 titres-services par an. Avec l’indexation, l’intervention pour les entreprises augmentera de 47 cents de plus par titre. L’augmentation de l’intervention pour 2020 est liée à cette indexation et l’objectif est bel et bien de n’avoir aucune modification liée au prix ou au subventionnement du titre-service envisagé. L’intervenant reconnaît que certaines entreprises font des bénéfices et ont des dividendes grâce aux dispositifs mis en place et elle est d’avis que des marges sont disponibles pour augmenter les travailleuses. Sur la question de la garde d’enfants, un budget a été dédicacé au lancement d’une étude afin de pouvoir répondre à toute une série de questions techniques et juridiques.

Accompagnement personnalisé

Des crédits supplémentaires sont destinés à la réforme de l’accompagnement des demandeurs d’emploi. L’objectif est d’arriver à un encadrement s’appuyant sur les expertises des opérateurs de proximité, en particulier pour les publics les plus fragilisés. Il est ajouté que les compétences des demandeurs d’emploi seront analysées dès leur inscription comme demandeur d’emploi afin d’offrir le plus rapidement possible la formation nécessaire à l’obtention d’un emploi ou d’une formation en entreprise. Les nouveaux montants dégagés serviront :

  • à la formation des conseillers vers davantage d’encadrement des demandeurs d’emploi et de synergies avec les autres acteurs de l’insertion socioprofessionnelle;
  • à l’accompagnement au changement culturel de la nouvelle dynamique d’accompagnement;
  • aux développements informatiques qui sous-tendent la réforme.

Pour les publics les plus éloignés, un coaching plus rapproché et plus intensif qui s’appuiera sur le réseau des acteurs à l’insertion, les acteurs de proximité, en ce compris au niveau de l’action sociale et de la santé mentale.

L’évaluation de la disponibilité active du demandeur d’emploi est amenée à évoluer en s’inspirant des bonnes pratiques d’autres modèles qui existent au niveau belge ou européen. La majorité des agents du Forem seraient demandeurs de pouvoir accompagner les demandeurs d’emploi afin de mieux comprendre leur réalité. Ce ne serait que dans des cas extrêmes de litige que le contrôle s’appliquerait.

Dispositifs IBEFE

Plusieurs demandes émanent des Instances Bassin Enseignement qualifiant Formation-Emploi (IBEFE), à savoir évaluer le dispositif, l’hébergement des données agrégées en matière d’emploi, de formation et d’enseignement au niveau de l’IWEPS, et le cahier des charges structurant pour les travaux des IBEFE.

Territoires Zéro chômeurs de longue durée

Les territoires Zéro chômeurs de longue durée connaissent plusieurs obstacles juridiques, budgétaires et règlementaires. Une étude a été commandée par l’IBEFE de Charleroi à l’Université de Bruxelles et une évaluation de l’expérience française alimenteront la réflexion. Les opérateurs seront également consultés car ce sont des acteurs locaux intéressants dans le cadre de la concertation.

Économie sociale

Il est relevé que le secteur nécessite davantage d’expertise et qu’il est important de donner une crédibilité à l’économie sociale dans le paysage socio-économique wallon. Aussi, Mme la Ministre entend mener des politiques qui s’inscriront dans la perspective d’amplification de l’impact social, économique et environnemental. De nouveaux dispositifs qui devraient permettre de professionnaliser le secteur vont être lancés.

III. Plan de transition

Au-delà des crédits de fonctionnement et des crédits d’investissement déjà inscrits dans les politiques fonctionnelles, le Gouvernement a prévu une somme de 350 millions d’euros supplémentaires en 2020 destinés à des investissements stratégiques, en dehors de la trajectoire SEC. Ce montant est repris sur un article budgétaire spécifique. Il sera ventilé progressivement en cours d’année au fur et à mesure de la concrétisation des projets.

Le plan de transition s’inscrit dans la droite ligne de deux grandes priorités européennes que sont l’innovation et la recherche, notamment dans le champ numérique, et la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de l’environnement.

Enfin, sur les 350 millions d’euros d’investissements stratégiques, 80 millions seront dédicacés au numérique et 242,5 millions seront affectés aux politiques d’isolation, de mobilité, d’énergie, qui contribuent à la transition climatique. Les 27,5 millions restants seront utilisés à des politiques de formation pour les métiers relevant de ces champs numériques et environnementaux.

(d’après les rapports et compte-rendus du Parlement wallon)