La Wallonie a voté sa réforme fiscale. Dès l’année prochaine, les droits d’enregistrement vont drastiquement baisser, et en 2028, les droits de succession suivront. Ces deux mesures phares de la nouvelle majorité MR-Engagés vont lourdement peser sur le budget régional, pourtant déjà dans le rouge.

La RTBF constate sur son site qu’un observateur ne pourrait qu’être troublé par la séquence du vote du budget. Alors que le gouvernement ne cesse de mettre en garde face à la situation budgétaire wallonne et justifie des économies, il fait voter en urgence des décrets fiscaux qui grèveront lourdement le budget wallon. « On frise la dissonance cognitive entre le vice-président des Engagés, François Desquenne, qui exhorte chacun à faire des efforts pour éviter, je le cite, “un scénario à la grecque”, et, dans le même temps, le passage en urgence de ces deux allégements fiscaux. Le premier, la réforme des droits d’enregistrement à 3%, coûte 470 millions d’euros par an, mais en partie compensée, elle devrait coûter 245 millions d’euros en 2025. La réforme est annoncée comme neutre en 2030. Quant à celle des droits de succession, elle doit intervenir en 2028 et coûtera, selon le cabinet Dolimont, 389 millions d’euros par an ».

Les débats autour du budget wallon qui ont eu lieu au Parlement, avant un vote lors d’une séance plénière le 18 décembre, ont mis au grand jour une série de mesures d’économies prises par le gouvernement pour boucler ses comptes 2025 et tenter de faire face à l’emballement de la dette de la Région, qui pourrait atteindre 49,6 milliards en 2029 à politique inchangée selon le ministre-président. Mais cet objectif parait de plus en plus lointain avec la diminution de recettes fiscales décrite ci-dessus et deux nouveaux dossiers qui pourraient encore alourdir la dette, à savoir le sauvetage financier de Mons, Liège et Charleroi dont les demandes de prêts ont été rejetées par Belfius et ING, et une « bulle budgétaire incontrôlable » de plus de 500 millions liés aux politiques de prêts et de primes énergétiques qu’il faudra financer d’une manière ou d’une autre.

Les mesures annoncées d’économies pour le budget 2025 sont multiples :

  • Réduction de 6 millions € des budgets des cabinets et services des deux Gouvernements (Région wallonne et Fédération Wallonie-Bruxelles) et fin des remplacements automatiques des départs à la retraite dans la fonction publique régionale et non renouvellement de certains CDD ;
  • Réduction de 15 millions € au niveau des aides économiques (rationalisation et soutien aux projets les plus impactants) et arrêt des mesures d’accompagnement (3,8 millions €) pour les entreprises actives dans le transport de marchandises par route (fin de la période transitoire suite à la mise en place de la taxe kilométrique en 2016) ;
  • Diminution de 45 millions € du budget alloué annuellement à Wallonie Entreprendre pour l’octroi de crédits et les prises de participations ;
  • Gel de l’indexation de l’enveloppe APE pour les pouvoirs locaux et le secteur marchand (le secteur non-marchand n’est pas concerné). Économie : 13,5 millions € ;
  • Lutte plus efficace contre les abus sociaux dans le secteur des titres-services avec sanction des entreprises fautives. Cette mesure devrait rapporter 1 million € ;
  • Diminution des coûts de fonctionnement de 5,5 millions € des opérateurs de l’emploi (CISP, MIRE, ALE et Maisons de l’Emploi) par la mutualisation de certaines dépenses et la création de synergies ;
  • Réduction des subventions facultatives octroyées par l’AViQ à hauteur de 10 millions € (les subventions directement liées aux politiques de santé et de handicap ne sont pas concernées) ;
  • Mise en place d’un moratoire sur le financement prévu pour le plan d’infrastructures des intercommunales de gestion des déchets (8 millions €) ;
  • Renforcement des synergies entre acteurs du tourisme et du patrimoine et digitalisation et la simplification administrative appliquées à ces deux secteurs.

On relèvera encore que le gouvernement annonce en matière de politiques sociales le maintien et/ou le renforcement de politiques existantes avec la préservation de l’indexation des allocations familiales, 7 millions € supplémentaires pour la rénovation des crèches, le maintien du financement pour les structures d’accueil pour personnes fragilisées, le maintien du financement pour l’accueil des réfugiés ukrainiens avec possible réajustement en fonction des nouveaux besoins.

Les critiques fusent de toutes parts. Du côté de l’opposition parlementaire, le PS parle « d’une imposture » en accusant la majorité de faire grimper le déficit de 77 millions en 2025 pour financer sa réforme fiscale. Chez Ecolo, le gouvernement a mené une attaque en règle contre les politiques environnementales et abandonne la cause sociale. Stéphane Hazée estime que le message du gouvernement ne tient pas la route : « Il justifie ses économies pour éviter un scénario à la grecque. Mais quel gouvernement sérieux, craignant un scénario à la grecque, commencerait son travail par une réduction fiscale de plus de 400 millions d’euros ou en déposant un projet de budget avec un déficit en hausse? Il y a une dimension populiste dans ce gouvernement ».

L’austérité risque de coûter 450 emplois aux CPAS selon la fédération des CPAS. Selon les projections réalisées par la fédération régionale, les pertes se ventileraient sur différents postes, en raison de subsides rabotés ou arrivant à échéance. Le plus important est le subside lié au covid qui conduirait à la disparition de 218,77 équivalents temps plein (ETP), principalement occupés par des assistants sociaux travaillant en contact direct avec la population. Des postes d’éducateurs de rue pourraient également disparaître avec l’extinction programmée des aides pour les « Territoires » zéro sans-abri et zéro chômeur de longue durée. Au niveau de l’aide alimentaire, 20 ETP passeraient à la trappe, tandis que 27 postes de tuteurs énergie-eau disparaîtraient, alors que la précarité énergétique reste criante. Du côté des « capteurs d’emploi », 32 autres emplois à temps plein seraient menacés et 16 autres au sein des espaces communautaires. Enfin la non-indexation des aides à la promotion de l’emploi (APE) pourrait entraîner la perte de 120 emplois. « C’est l’inquiétude et l’incompréhension. Il est reconnu depuis trois ans, par différents acteurs, que les CPAS sont saturés de travail et qu’ils ne parviennent plus à assumer leurs missions dans de bonnes conditions », souligne Luc Vandormael, le président de la Fédération des CPAS.