L’enquête Bien-être et Insertion a tenté une objectivation du bien-être psychosocial des stagiaires en se penchant sur les émotions qu’ils ressentent au quotidien. Il leur a été demandé à quelle fréquence ils avaient ressenti quatre émotions basiques (joie/contentement, tristesse, peur, colère) dans le mois qui précédait l’administration du questionnaire d’enquête. La comparaison des données récoltées en début et en fin de formation montre une certaine amélioration: la peur et de la colère sont moins fréquentes et touchent moins de stagiaires, alors que la proportion des stagiaires qui se sont sentis contents ou joyeux au moins une fois augmente.
Situation en début de formation
Les ressentis négatifs sont bien présents dans la vie des stagiaires CISP : 25% ressentent plusieurs fois par mois de la peur ou de l’anxiété, 35% de la tristesse de de la déprime et 41% de la colère ; ces ressentis sont même quotidiens pour respectivement 2%, 3% et 4% des répondants.
Joie. La proportion des stagiaires qui se sont sentis « joyeux, content » au moins une fois durant le mois précédent passe de 91% en début de formation à 97% en fin de formation. Ils ne sont donc plus que 3% à ne jamais éprouver ces ressentis positifs : c’est trois fois moins qu’au début de la formation.
Tristesse. On observe une persistance de sentiments de tristesse en fin de formation. La perspective de quitter la formation pourrait en être la cause pour de nombreux stagiaires d’après l’expérience des équipes sociopédagogiques. Une analyse des corrélations rend possible un modeste affinage des résultats : on y découvre qu’en fin de formation, les stagiaires qui éprouvent ces émotions de manière fréquente sont tendanciellement les femmes, les jeunes et les stagiaires nés en Belgique – alors qu’en début de formation, ces trois sous-groupes ne montraient pas de différence significative avec la moyenne des stagiaires.
Peur. La peur et la colère sont moins présentes en fin de formation qu’au début. L’effectif des stagiaires qui en ont éprouvé « plusieurs fois » ou « tous les jours » durant le mois précédent diminue en effet de 15%. En analysant plus finement la façon dont la peur se présente dans différents sous-groupes de stagiaires, nous avons découvert qu’en début de formation, la peur est plus présente chez les stagiaires qui pensent que leur famille n’est pas fière d’eux (« estime familiale » positive ou négative dans le tableau ci-dessous), chez ceux qui n’ont pas de projet professionnel ou personnel et chez les femmes.
Avez-vous ressenti de la peur pendant le dernier mois ?
Comment expliquer les évolutions et différences observées ?
L’enquête ne permet pas de statuer quant aux causes des évolutions observées, mais lors d’échanges entre chercheurs, équipes CISP et stagiaires après la collecte des données et après une premières analyses, des hypothèses de travail ont été formulée, qui pourront être exploitées tant dans l’action CISP qu’en cas de reconduction de l’enquête. On postule d’abord qu’il existe des différences éducationnelles, genrées, générationnelles et culturelles quant à la reconnaissance et à l’expression des émotions, pouvant expliquer les différences observées entre certains sous-groupes de stagiaires. Pa railleurs, le contexte de contrôle des allocataires sociaux génère probablement pas mal d’angoisse et/ou de colère chez les stagiaires, qui peuvent s’apaiser dans le cadre de la formation CISP. Enfin, les discours médiatiques et politiques véhiculent des représentations très négatives des personnes précarisées et des demandeurs d’emploi, et dressent un tableau du monde assez anxiogène, source d’émotions pénibles pour une partie des stagiaires.