Réunis en visioconférence le mercredi 25 novembre en matinée, près de trente travailleurs de centres agréés CISP affiliés à CAIPS témoignent des effets de la crise sanitaire sur leurs pratiques et les publics qu’ils encadrent…
Après l’arrêt brutal de leurs activités à la mi-octobre, les centres sont en adaptation permanente, la plupart a lancé de nouvelles initiatives. Leurs publics sont demandeurs face à un isolement source de difficultés multiples…
Les centres maintiennent le lien avec les stagiaires
Les leçons du premier confinement ont porté leurs fruits. Après une période d’arrêt brutal à l’annonce des mesures de retrait social que la population s’impose, les centres se sont mieux et plus vite adaptés. L’organisation de formations à distance grâce aux outils numériques s’est mise en place là où c’est possible. Cela a été facilité par les premières aides financières octroyées par la région qui ont ainsi permis le prêt d’ordinateurs aux apprenants ; divers soutiens ont aussi été obtenus et la débrouillardise a fait le reste.
Progressivement de nombreuses entreprises de formation par le travail ont relancé leurs activités commerciales dans le respect des mesures fédérales. Certaines fonctionnent même sur un rythme normal rendu possible par les dérogations obtenues auprès de l’administration. En ce qui concerne les cours, les activités en présentiel se déroulent parfois, mais en petits groupes de 3 à 4 usagers pour un temps limité à une heure trente. Ailleurs ou avec d’autres, on maintient les liens en face à face ou par smartphone, WhatsApp et Messenger permettent des communications à plusieurs… Des opérateurs signalent – avec une certaine ironie – que les vieilles recettes sont parfois les plus adéquates avec des échanges « crayon-papier » par courrier pour des cours à distance, par exemple en prison ou avec les personnes qu’il est convenu de désigner comme victimes de la fracture numérique. A cet égard, il est souligné que beaucoup de travailleurs le sont aussi. Aussi, des formations s’improvisent, les travailleurs s’entraident et se soutiennent entre eux pour mieux acquérir des compétences numériques. Les besoins dans le domaine sont importants.
Les publics sont en difficulté et demandeurs auprès des centres
Les témoignages concordent, les publics souffrent plus de l’isolement que lors du premier confinement. Les causes en sont multiples, comme le froid qui apparaît, l’absence de moyens pour se chauffer ou un moral marqué par le manque de lumière… Ils sont plus demandeurs que jamais de garder des activités et se tournent vers leurs référents dans les centres. Là où les formations peuvent reprendre, le taux de présence est celui qui prévalait avant les mesures sanitaires ; dans certaines filières, on parle même de « retour à la normale » par rapport à septembre ! Toutefois, les stages en entreprise sont souvent compromis, notamment et évidemment dans le secteur Horeca. Mais des solutions restent possibles.
De nombreux stagiaires vivent des moments difficiles liés à la solitude ou à une trop grande proximité dans des logements trop exigus. On peut même parler de situations dramatiques face à une nouvelle montée de la violence conjugale auxquelles sont confrontées trop de femmes. Les intervenants tentent alors tant bien que mal de leur apporter un soutien rendu plus compliqué par les mesures sanitaires.
Des centres et des travailleurs sous pression
Selon le monitoring assuré par la fédération, la situation financière d’une EFT sur cinq est fort préoccupante en raison de la chute de leurs recettes commerciales qui peut aller jusqu’à 75%. Elles sont contraintes alors de recourir au chômage temporaire et risquent de rencontrer des problèmes de trésorerie en fin d’année ou se verront contraintes de recourir à des prêts. Une compensation économique est donc indispensable pour la survie de certaines EFT, la fédération est informée de mesures de restructuration en cours pour assurer la survie dans l’une ou l’autre association. On relèvera que certains s’en sortent mieux et sont arrivés à maintenir leur chiffre d’affaires, cela reste possible dans les plus petits centres ou là où ce type de revenu est proportionnellement plus faible par rapport aux subventions publiques… Il est heureux que le régime de dérogations mis progressivement en place par la région facilite la reprise de la production, mais celle-ci se développe sur un mode réduit la plupart du temps et reste impossible quand les clients font défaut.
Toutes les subventions ne sont toujours pas garanties à ce jour quand elles proviennent d’appels à projets du Forem ou du Fonds social européen. Des centres ont lancé des préavis à titre conservatoire ou font là aussi appel au chômage temporaire en attendant des jours qu’ils espèrent meilleurs
Des opportunités à saisir et à poursuivre après la levée des contraintes sociales
La crise peut aussi avoir aussi du bon ! Les nouvelles pratiques de formation à distance montrent tout leur intérêt quand elles permettent à des stagiaires malades, en quarantaine ou sans moyen de déplacement, de participer à une session sans l’interrompre. Une collègue nous signale la poursuite de formation d’un stagiaire bloqué au Vénézuela, il a juste fallu en adapter les modalités avec l’accord de toutes et tous pour faire face au décalage horaire avec l’Amérique du Sud. Il n’empêche que le présentiel reste le fondement de nos pratiques, il importe de ne pas l’oublier ; toutes et tous aspirent à un retour rapide à la levée des contraintes imposées par la situation sanitaire. Il n’empêche, en attendant, on s’adapte comme ces affiliés qui sont parvenus à assurer avec les seuls outils numériques, inscriptions et recrutements 2021.
Des aides publiques qui posent parfois question
Les aides publiques se sont multipliées avec une mise en œuvre parfois problématique. Ce n’est pas tout d’offrir les moyens aux centres de mettre à disposition des ordinateurs. En l’absence d’accès à internet ou quand parents et enfants doivent se connecter au même moment avec un seul ordinateur alors que les écoles sont également à l’arrêt, suivre un cours à distance reste hautement improbable…
De nombreux participants dénoncent certains CPAS qui tardent à octroyer ou refusent une aide financière exceptionnelle soutenue par le gouvernement fédéral alors que d’autres le font et collaborent avec les centres de formation. Constatons ici une iniquité de traitement qui à tout le moins interroge faute de pouvoir y répondre…
Une rentrée 2021 qui inquiète
Toutes et tous s’inquiètent des recrutements à assurer à la rentrée 2021. Ils font part de l’impossibilité de démarrer une formation avec de nouvelles recrues sans passer par une première période « d’acculturation » suffisante pour assurer l’accrochage et la motivation des nouvelles recrues. Tant qu’on ne pourra pas travailler dans de bonnes conditions en grands groupes, un retour à la normale restera improbable. D’ores et déjà, le démarrage de nouvelles formations a été reporté après le mois de janvier parfois avec l’accord du Forem ou de la région. Si le recrutement est partout difficile, signalons que certains s’en sortent mieux et font état de listes d’inscriptions déjà remplies. Les autorités régionales devront prendre la mesure de ces difficultés pour garantir les subventionnements aux centres et la continuité des services ; des réponses sont attendues rapidement de la part des autorités de tutelle pour rassurer des travailleurs et directions sous pression…
Un secteur qui se mobilise et fait face
On le voit, les réalités des centres sont diverses à l’image d’un secteur aux multiples visages… Point commun mis en évidence, les participants soulignent leur volonté de faire face à cette situation de crise, la motivation des personnels est mise en évidence malgré le stress ou…la maladie bien plus présente que lors de la première vague de l’épidémie. La fédération mettra tout en œuvre pour les soutenir. D’autres rendez-vous collectifs sont d’ores et déjà programmés, comme cette visioconférence à venir pour préparer l’achat financé par la Wallonie et le prêt d’ordinateurs aux stagiaires. Les contacts et concertations avec les différentes autorités se poursuivent dans un climat positif, il importe de le souligner, car cela n’a pas toujours été le cas dans un passé encore récent…