C’est l’histoire d’un coup de cœur pour un projet SIS. C’est aussi celle d’un exemple d’action communautaire inspirante et invitant au voyage !
Dans la prise en charge collective des bénéficiaires en SIS sont organisées des activités collectives, sous forme d’ateliers principalement, mais aussi sous forme d’actions dites « communautaires ».
Encore peu définie dans la réglementation (le GT Insertion Sociale réuni à la DG05 y travaille!), cette méthodologie de travail très appréciée des animateurs en SIS permet de mettre en place des actions ponctuelles, limitées dans le temps, mais qui vont permettre aux usagers de sortir des services d’insertion sociale en participant activement à des activités ou des événements avec d’autres publics. Ces « autres publics » sont généralement issus du tissu associatif local, mais c’est parfois aussi d’autres personnes issues tout simplement de l’environnement immédiat – ces gens qu’on n’a pas l’habitude ou qu’on n’ose pas côtoyer – comme cela pourrait se faire dans le cadre de l’organisation d’une fête des voisins, d’une table d’hôtes interculturelle, d’animations dans une maison de repos locale, ou encore entre deux rangs de semis dans les parcelles d’un jardin partagé, entre associations et bénéficiaires qui n’ont pas l’habitude de travailler ensemble
Le principe est donc de jeter des ponts. Mais qu’on ne s’y trompe pas, à la convivialité de ces rencontres se greffe une dimension sociale indéniable : les aspects participation, volontariat, citoyenneté sont travaillés. L’action communautaire est pour tout travailleur social, « une espèce de levier » qui va lui permettre de resocialiser, d’accompagner le bénéficiaire marginalisé vers la société en lui permettant non seulement d’y jouer un rôle actif, mais aussi de s’y sentir mieux, valorisé dans sa contribution au projet.
Au rang des belles idées qui vont permettre cette mixité sociale bienfaitrice, j’avais à cœur de vous raconter plus longuement la magnifique expérience de travail entre Cécile (référente SIS à Esneux) et Marion (animatrice de la JET, la Maison des Jeunes locale) qu’un encart de votre Caips Infonet 168 vous avait déjà annoncé. J’y évoquais le Défil’ Eco #4, cet événement d’envergure organisé par l’asbl Assistance à l’Enfance ces 2 et 3 mai à la Caserne Fonck de Liège.
Up-cycling fashion
Pour rappel, le concept de cet événement biannuel est de mobiliser, de façon solidaire, les mondes associatif, politique et économique autour de l’art et de la récupération en offrant, en final, un défilé en deux temps. Dans la première partie du spectacle, ce sont les œuvres de pas moins de 14 associations liégeoises qui sont mises à l’honneur. Elles ont travaillé en binôme pendant des mois, encadrées par des professionnels du stylisme, pour créer des silhouettes avec des matériaux de récupération. En deuxième partie, c’est aux jeunes stylistes, des étudiants, des créateurs, des designers et des stylistes confirmés de présenter leurs réalisations fantasques et toutes en matières recyclées et couleurs.
« La participation d’un SIS à ce genre d’aventure n’est pas une première », nous précise Cécile Gérard du SIS d’Esneux. Il s’agit d’ailleurs de leur 3ème participation et l’idée fera peut-être des émules, tant elle est enthousiasmante, malgré la charge de travail impressionnante que cela demande, car il y a plusieurs phases et tout autant de préparatifs dans le projet : la recherche d’idées, la phase de création, les essais et enfin le clou du spectacle avec le défilé. Pour cette dernière édition, elle souhaitait collaborer avec la Maison des Jeunes locale.
Des ateliers ont été organisés conjointement dès le mois d’octobre, avec pour commencer le choix d’un thème inspirant pour tous, l’Egypte antique, suivi du choix de silhouettes qui seraient co-produites pour le spectacle, à savoir : un ibis, une servante, un chacal, Toutankhamon et la belle Nefertiti.
Favoriser la mixité sociale dans une activité collective
Si certains comme Marie-Claire sont heureux d’avoir immédiatement pu faire profiter de ses talents (« C’est moi la couturière ! » claironne t’elle fièrement), d’autres ont eu plus de mal à trouver l’espace-temps nécessaire pour développer leur créativité dans ce projet collectif. Dimitri, rencontré au détour d’une réunion collective d’évaluation de ces ateliers, nous raconte : « J’ai été embarqué dans le projet. Au début c’était dur de trouver des idées, et puis j’ai trouvé ça cool de travailler sur le sarcophage au départ d’un gadot! »
Quant à l’association avec un public plutôt inhabituel, celui, en l’occurrence des adolescents de la JET d’Esneux, elle fût, de l’avis de tous, riche dans les échanges et le partage. Chantal, usagère du SIS, s’enthousiasme: « C’est la 3ème fois que je participe à Defil’Eco, et une fois de plus le résultat est magnifique, c’était super de travailler avec des jeunes !». Pour Sandy, qui fréquente régulièrement les activités proposées par la Maison des Jeunes, ce fût indéniablement une belle expérience : « On a appris à se connaître, on a tous montré nos talents et de quoi on était capables. ». Loïc, un autre ado, ajoute : « Moi j’ai sur-kiffé l’activité Defil’Eco. J’étais fier de la coiffe de Toutankhamon sur laquelle j’ai passé tout mon temps les mercredis. Mais c’était chaud ensuite pour faire mes devoirs ». Les animatrices qui encadrent ces jeunes soulignent elles aussi la qualité de cette collaboration: « C’était intéressant d’observer les interactions, la façon dont les 2 groupes se sont mêlés, malgré de grosses différences d’âge. Il fallait garder la motivation tout au long du projet, et la récompense finale, pour tous, ce sera de voir le spectacle » explique Laura.
Sa collègue renchérit : « Ce dont je suis le plus fière, c’est que le groupe jeunes-usagers est vraiment resté soudé. On peut vraiment être tous fiers les uns des autres !» Et pourtant, dans le cadre d’une action communautaire, la rencontre de deux publics n’est pas toujours chose aisée. Cécile, la responsable du SIS, se souvient : Tous ensemble, nous avions souvent des décalages au niveau de l’énergie, il était parfois difficile de savoir que faire dans ce grand tout. Et Giovanni (NDR : le styliste qui orchestrait tout le travail avec l’associatif) était lui aussi parfois en décalage avec nos réalités ! Mais parallèlement à cela, ce sont ses exigences élevées qui font du résultat final ce qu’il est !»
La préparation de cet événement a bien sûr demandé beaucoup de travail aux usagers et aux jeunes, mais la palme de l’investissement est à décerner à ces animatrices, au travers de cet article à une travailleuse sociale qui n’a pas compté, en dehors de ces moments de création, ses heures de réunions et préparatifs pour gérer- telle Kali la déesse hindoue à plusieurs bras- les innombrables tâches en termes de gestion logistique…. On se doute que tout cela a bien débordé sur les heures de travail et que le subventionnement SIS est loin de couvrir un tel déploiement d’énergie et de polyvalence.
Invitation au voyage
Vinrent enfin, début mai, les deux soirées de récompense finale pour tous ces volontaires : ils ont été invités à venir découvrir leurs créations, portées par des mannequins pour ce fashion show dont la qualité artistique est de plus en plus reconnue dans le milieu du stylisme liégeois.
Sous la houlette de Giovanni Biasiolo, 130 créations originales ont défilé sur scène. Ces 130 véritables œuvres d’art, résultat de tous ces mois de travail intense, invitent à un « Voyage entre les mondes », qui multiplie, dans la première partie dédiée aux associations, de magnifiques tableaux représentatifs de plusieurs pays de l’Ecosse jusqu’à la Chine en passant par le Rwanda…et bien sûr l’Egypte.
Je croise à l’entracte deux bénéficiaires du SIS, appareil photo autour du cou pour immortaliser les silhouettes qui sont exposées, et je m’empresse de les féliciter du plaisir donné au public présent ce soir-là, dont moi qui suis un peu, je l’admets, Egypto-maniaque.
Au-delà du contentement de recevoir un compliment, je vois clairement dans leurs yeux toute la fierté d’avoir pu se rendre utiles et participer, du début à la fin, à un projet d’une telle ampleur. Mais aussi, et ça ils le savent peut-être moins, à une action communautaire qui aura demandé certes énormément d’investissement, mais pour un résultat tellement porteur de sens !