Nous vous proposons de découvrir cette fois l’expérience d’une travailleuse sociale du CPAS d’Esneux. Ce témoignage souligne à nouveau la nécessité de rester en lien avec les personnes les plus vulnérables, qui depuis plus d’un mois sont plongées dans l’isolement le plus total, sans accès à ces lieux d’accueil et bien plus encore, que sont les SIS. L’usage des réseaux sociaux, pour ceux qui y ont accès, peut répondre à certains des besoins et ouvre des nouvelles perspectives de travail. Toutefois, la précarité et les problématiques du public des SIS, rend inévitable la question d’une reprise des activités de manière progressive et partielle.
« Un SIS a notamment pour objectif de permettre à ses bénéficiaires de créer du lien social, au travers d’activités collectives et de (re)mise(s) en projet(s) (individuels et collectifs). Dès lors, en période de confinement liée à la pandémie du Covid 19, il a été indispensable de réfléchir à de nouveaux moyens d’entretenir ce lien. En effet, les rencontres physiques étaient devenues impossibles. La question devenait donc : comment se rencontrer autrement ?
Il n’y a plus eu d’activité ni d’entretien individuel du jour au lendemain et je craignais que des sentiments de solitude, d’isolement et d’abandon n’envahissent les participants. En bref, je pense que le principal danger pour notre public cible est : le décrochage social. Je tente donc de permettre le maintien d’une certaine dynamique sociale au travers des techniques de communication actuelles. Pour mes participants mais aussi pour d’anciens participants que j’ai invité à rejoindre nos discussions. L’objectif est de les maintenir dans un certain rythme et les aider à éviter un décrochage relatif à leurs nouveaux projets (exemples : un travailleur sous contrat Article 60&7 et un autre ancien participant qui a entamé une formation qualifiante).
Si un éventail de moyens a été mis en œuvre pour tenter d’éviter des décrochages, je crains qu’au final, ce ne soit pas suffisant pour certaines personnes de mon public cible déjà, par définition, fragilisé.
Parmi les moyens mis en place par le SIS du CPAS d’Esneux, on peut trouver :
- Une page Facebook créée pour les participants ;
- Des appels téléphoniques réguliers ;
- Des groupes Messenger ;
- Un relais de leurs éventuelles demandes auprès de mes collègues en première ligne ;
- Des SMS ;
- Des communications, des échanges, des publications, des messages encourageants, du renforcement positif…
Bref, une présence et un soutien du SIS leur sont garantis pour traverser cette période difficile.
La page Facebook n’a pas été beaucoup alimentée par les participants malgré les « perches » que j’ai pu leur lancer. Grâce à ces techniques de communication, je leur ai transféré des photos, notamment celles de l’évolution de nos semis réalisés juste avant le confinement dans le cadre de l’atelier potager collectif. Je considère que, d’un point de vue symbolique, c’était une manière de montrer aux participants que le SIS continue de vivre malgré l’interruption des activités. Je me disais aussi que c’était une manière de leur montrer que leur implication n’était pas vaine et qu’il y aura un « après » Covid 19, que nous finirons par nous retrouver dans la joie et le plaisir pour travailler ensemble à la réalisation de nos projets communs. Ceux-ci sont donc suspendus mais pas abandonnés.
Mais, d’un point de vue global, même si les personnes sont positivement touchées par l’intérêt qui leur est porté, malgré les encouragements et toutes ces « communications », cela n’a pas généré les interactions escomptées.
Raison pour laquelle j’appréhende la reprise des activités car je crains que la mobilisation du public cible, déjà complexe en temps normal, le soit encore davantage lorsque le moment sera venu. Inévitablement, les personnes se replient sur elles-mêmes de par l’obligation qu’elles ont de rester chez elle. Dès lors, le retour à un rythme « normal » sera peuplé de difficultés. Tout le travail d’accompagnement de chacun sera à reprendre du début. Il y aura aussi probablement de nouveaux suivis à gérer de même que la plupart des activités seront à réorganiser.
Je tiens néanmoins à témoigner d’une autre technique pour « rester en lien » qui a fait ses preuves. Inspirée par quelques collègues d’autres SIS, ce nouvel outil a été testé auprès de mon public cible : la visioconférence. Dans un premier temps, j’imaginais qu’aucun ne serait réellement à l’aise avec cette proposition et que cette piste n’était pas envisageable. Je me suis finalement décidée à la leur soumettre. Et une partie de mon public cible s’est montrée enthousiaste par rapport à cette idée. La plupart des participants sont outillés pour participer à ce genre de réunions, grâce notamment à leur smartphone. Quant à ceux qui ne le sont pas, ils ne sont pas négligés puisque je les contacte régulièrement par téléphone.
Ces rencontres visuelles semblent apporter du positif à ceux qui y participent. Les gens sont « contents de se voir » et d’échanger des nouvelles. Elles seront donc régulièrement organisées puisqu’elles leur font du bien. Je pense que, même après la crise sanitaire, il y aura matière à réflexion sur de nouvelles techniques de travail en SIS. Par exemple, la mobilité est un frein pour nombre de participants potentiels à Esneux. La visioconférence pourrait constituer une réponse possible à cette difficulté.
Les SIS ont donc bel et bien des rôles à jouer en cette période de confinement, j’ai tenu à en identifier quelques-uns (liste non exhaustive) :
- Maintenir un lien social avec les participants du SIS y compris les ex participants qui risquent un décrochage dans leurs nouveaux projets d’insertion ;
- Garantir une présence aux participants, téléphonique et virtuelle ;
- Répondre à leur besoin de savoir que nous nous intéressons à eux ;
- Assurer une fonction de relais entre les personnes et les services de première ligne ;
- Renforcer positivement les personnes dans leurs compétences à gérer la crise de la meilleure manière possible ;
- Les encourager à respecter les mesures de confinement imposées par le gouvernement ;
- Tenter de leur permettre de se projeter dans l’avenir, au moment de la reprise d’un rythme normal des activités ou de leurs projets de vie de manière générale.
Pour conclure, j’aimerais pouvoir communiquer à mes participants de manière plus précise ce qui nous attend relativement à la reprise d’une activité « normale » du SIS : quand, quoi, comment, avec qui ? Mais personne ne sait le dire. C’est peut-être cette incertitude qui est la plus pesante. Je la leur exprime et ils semblent bien la comprendre. Tout dépendra de l’évolution de la pandémie. Toujours est-il que chaque jour de plus sans activité éloigne insidieusement encore un peu plus chaque participant du SIS. Ce qui rend également la tâche de plus en plus ardue pour ce moment où la reprise viendra. »